MALAUD David

Voir le projet architectural comme un jeu,
enquête autour du Fun Palace

Directeur de thèse : Paolo AMALDI
Laboratoire LéaV – ENSA Versailles – ED CRIT 538
Rencontres Doctorales – 2015
MOTS CLÉS : Jeu, épistémologie, expérience, modélisation, théorie de l’architecture, Fun Palace, Cedric Price, cybernétique, Gordon Pask, théâtre, Joan Littlewood

RÉSUMÉ :
« Chaque enfant qui joue se conduit comme un écrivain, dans la mesure où il crée un monde à son idée, ou plutôt arrange ce monde d’une façon qui lui plaît… Il joue sérieusement. Ce qui s’oppose au jeu n’est pas le sérieux, mais la réalité »
Sigmund Freud, Le créateur littéraire et la fantaisie, 1908

On demande de plus en plus aux architectes de collaborer avec des chercheurs et professionnels de différentes disciplines pour produire des études loin en amont de la définition de projets urbains, ou d’un schéma directeur. Plus que des solutions opérationnelles, il s’agit de développer des visions et d’ouvrir à la compréhension de faits territoriaux nouveaux. La consultation internationale de 2008, « le Grand pari de l’agglomération parisienne », fait figure de ce nouveau type de commandes, où recherche et projet sont combinés.
Dans ce type de production qui fait intervenir les capacités de projection mais ne vise pas le champ opérationnel, le projet pourrait-il être vu comme un lieu de production de connaissances ?
Le corpus issu des deux consultations successives sur le Grand Paris est très hétérogène. On pourrait s’essayer à classer les propositions sur un axe allant de la vision subjective et personnelle de l’architecte à la connaissance du territoire objective et partageable. Et définir alors la production de connaissances comme un processus d’objectivation. Le modèle théorique du jeu tel qu’il est étudié par la psychanalyse et la psychologie (WINNICOTT) fournit un cadre pour décrire un tel processus. Dans ce modèle, le comportement ludique, l’activité créative libre et subjective (play) s’oppose à la réalité objective. Entre ces deux pôles abstraits, il est possible d’observer des phénomènes concrets, des jeux (games), dont le degré d’élaboration des règles est fonction de la distance à chacun des pôles. On peut formuler l’hypothèse qu’une condition nécessaire à la production de connaissance serait le réglage du jeu personnel de l’architecte par tout un ensemble de paramètres extérieurs. L’architecte pourrait produire de la connaissance en structurant sa créativité par la confrontation aux autres disciplines, en mettant son matériel imaginatif (play) au service de la définition d’un dispositif ludique réglé (game).
Nous discuterons cette hypothèse à partir de trois exemples. Le projet du Fun Palace, développé par Cédric Price et Joan Littlewood dans les années 1960 qui sera présenté comme l’archétype limite d’un projet ludique participant d’une recherche collaborative. Deux projets du corpus Grand Paris lui seront comparés : l’Hôtel métropole (PERRAULT) et le GPMU (LIN). A l’image du Fun Palace, ce ne sont pas des objets architecturaux formels mais plus des « concepts sociaux sous la forme d’une architecture ». Conçus hors-sol à partir de conditions génériques du fait métropolitain, ils permettent par leur rapprochement avec le territoire de révéler certaines de ses caractéristiques et d’informer sur sa réalité.