ABENIA Tiphaine

La mégastructure contemporaine au crible du complexe méthodologique : critique, histoire, théorie

Directeur de thèse : Daniel ESTEVEZ et Jean-Pierre CHUPIN
Laboratoire L.R.A – ENSA Toulouse / Faculté de l’Aménagement de l’Université de Montréal /ED TESC
Rencontres Doctorales – 2015
MOTS CLÉS : Méthodologie, Mégastructure, Projet, Interprétation, Performativité, Réflexivité

RÉSUMÉ :
Certaines mégastructures contemporaines, inachevées ou délaissées après un premier usage, reprennent parfois vie à force d’initiatives habitantes ou communautaires. Elles se caractérisent par la disjonction entre un projet initial fortement formalisé et ce qui s’apparente souvent à un réinvestissement informel. Dans leurs brutales juxtapositions, ces grandes architectures urbaines abandonnées recèlent une valeur de complexité qui met au défi non seulement les savoirs professionnels, mais plus encore, la pertinence des outils disponibles pour le chercheur en architecture.
Cet enjeu avait déjà été souligné par l’école hollandaise des années 1960 (Van Eyck, 1962; Bakema, 1962 ; Hertzberger, 1991) qui voyait dans les interprétations individuelles de formes urbaines historiques (arènes, palais) des pistes pour orienter la production de la ville contemporaine. Identifiant dans les phénomènes contemporains de grandes architectures urbaines réinvesties une intensification de ces questionnements, la présente communication propose une approche méthodologique construite aux fins d’expliciter la complexité des phénomènes constitutifs de ces architectures.
La Florence House (Johannesburg), la Torre David (Caracas), le Bowling de la Porte de la Chapelle (Paris) ou l’aéroport Tempelhof (Berlin) sont autant de cas identifiés pour porter ce questionnement. Dans le cadre de cette communication, nous nous concentrerons sur un hôpital inachevé à Buenos Aires, El Elefante Blanco. Abandonnée depuis 80 années et partiellement réinvestie par des familles à des fins de logement, cette grande architecture constitue la situation de recherche sur laquelle se sont construits ces premiers questionnements méthodologiques.
Notre dispositif analytique convoque à la fois un travail de terrain immersif (l’investissement physique du lieu aux fins d’analyser le réinvestissement informel), un travail théorique (la mégastructure comme cadre théorique à visée rétroactive) et un positionnement historique. Cette posture multiple amène le chercheur à solliciter dans une même recherche : connaissances historiques, hypothèses théoriques et écoute du présent. La dynamique de recherche ainsi constituée s’inscrit dans une alternance entre attention précise portée à la situation étudiée et mise à l’épreuve des hypothèses théoriques mobilisées. Cette navigation initie une « conversation réflexive avec les matériaux de la situation » (Schön, 1983) qui traverse l’ensemble des dispositions de la conception du projet. En associant un déjà-là (empirique) avec un déjà-vu (théorique), le chercheur construit un protocole de recherche analogue à certaines opérations fondamentales du projet : sélectionner, réorganiser, relier, associer, interpréter. Ces opérations peuvent notamment être rapprochées de la lecture active défendue par Giancarlo de Carlo, voire du regard producteur (Steinmann, 1997) entendu comme acte interprétatif permettant de manipuler les fragments d’une situation réelle.