Argumentaire

Depuis le rêve d’une architecture de verre portée par la Gläserne Kette de Bruno Taut (1919-1920), en passant par l’esthétique ductile et transparente de la « blob architecture », jusqu’à l’évanescence et la fluidité des constructions dissoutes, il s’agit ici d’explorer les fondements et de questionner les limites d’une architecture de l’effacement. Se tisse le postulat selon lequel l’utopie de la dématérialisation architecturale, née au début du XXe siècle, n’a trouvé ses modalités d’épanouissement constructif qu’à l’heure de la conception numérique de l’architecture. Dès lors, alors que le XXIe siècle a accompagné l’écueil et la destruction des Grands Ensembles comme paradigmes de la rationalisation bétonnée de l’utopie Moderne, l’architecture paramétrique serait le fil qui se déroule à peine du fantasme d’une architecture et d’un urbanisme de la transparence.

Pour autant, confrontée aux impératifs écologique et économique actuels, cette dissolution architecturale s’entend évidemment d’une autre manière : loin d’une immatérialité visuelle, c’est dans une nouvelle considération strictement temporelle qu’il faut l’envisager. Spatium est la racine étymologique du mot « espace ». Elle désigne une étendue autant qu’une durée et, en ce sens, concentre et rétablit une acception temporelle de l’espace comme de l’architecture. À l’heure où la révolution einsteinienne de l’espace-temps se renverse au profit d’une considération du temps-espace (nous n’habitons plus à 800 km mais à 3 heures de Paris quand nous sommes à Marseille par exemple), ce serait là l’ultime arrachement de l’architecture à son héritage Moderne : ni à contre-temps, ni « accélérationniste », l’architecture à venir se penserait-elle en temps réel ?